Ismail kadaré

… Le pouvoir pharaonien, ainsi qu’en témoignent les chroniques, était affaibli… La crise n’était pas provoquée par la pénurie, par un retard dans les crues, par la peste, comme ç’avait toujours été le cas, mais, tout au contraire, par le bien-être.

… mais l’explication qu’ils en avaient donné, selon laquelle le bien-être, en rendant les gens indépendants, plus libres d’esprit, les faisaient aussi plus rétifs à l’autorité en général, et notamment au pouvoir pharaonien, bien qu’on lui eût opposé de multiples objections, s’était peu à peu frayé un chemin…

Anéantir le bien être, mais comment ?… Reneferef émit l’idée de rechercher quelque procédé qui stérilisât une part des richesses de l’Egypte… Il fallait trouver quelque chose à quoi les gens seraient occupés jour et nuit au point de s’oublier eux-mêmes…Mais une œuvre qui, par sa nature même, pût à la fois être achevée et ne l’être jamais. En somme qui se renouvelât en permanence. Et qui fût en outre bien visible… Chaque pharaon aurait sa propre pyramide…

Au premier chef, elle est pouvoir, Majesté. Elle est répression, force, argent. Mais elle est tout autant obnubilation des foules, constriction de l’esprit, amollissement de la volonté, monotonie et déperdition.

La pyramide est le pilier qui soutient le pouvoir.

Extraits du roman La pyramide